vendredi 14 janvier 2011

Épilogue...

Comme promis, un nouveau blog... Pour un nouveau continent, une nouvelle année, de nouveaux projets; plus de contenu à venir bientôt, mais d'ici là, vous aurez au moins une idée d'où nous sommes grâce à l'agenda en bas de page. Bonne année!

http://lesmarmotteseneurope.blogspot.com

dimanche 12 décembre 2010

Fermer la dernière page

Dehors, la neige brille dans le noir sous la lumière orange des réverbères. L'appartement est vide, ou presque. Plus que quelques meubles qu'on laisse ici, deux plantes qui donnent un peu de vie, cinq cartes postales au mur. À 7h, hier matin, les déménageurs ont tout emporté, direction, l'autre côté de l'Atlantique.

Jeudi soir, Nico est parti, déjà. Avec lui, Chipie, en bandoulière, pendant 17h: 17h d'embouteillages, d'attente, de vol, d'attente encore et d'embouteillages encore. Arrivé sans encombre à Paris, il dort en ce moment même, près de la rue des Martyrs. Plein de souvenirs, de rêves, de projets. Il est muni de notre paperasse, prêt à affronter en douceur à coup d'humour l'épeurante administration française dans sa fierté bien souvent mal placée.

Moi, je reste jusqu'au 23 décembre. Onze jours encore. Je vais participer à la distribution de paniers de nourriture de Jeunesse au Soleil aux familles démunies de Montréal, à partir du 18 déc (week-end inclu!).

La nuit, les déneigeuses passent en furie devant chez nous après les tempêtes de neige des derniers jours (20cm!). Nos fenêtres sans rideau du rez-de-chaussée laissent passer leurs lumières tournoyantes et nos vitres trop fines m'envoient leurs bips incessants dans les oreilles, et le sol tremble comme celui d'un immeuble qui s'écroule. Des yeux je cherche Nico et Chipie pour en rire avec eux, mais, ne les trouvant pas, je remonte sur ma tête mon sac de couchage et m'enfonce plus profond dans le canapé. Dormir.

Le jour, je vais à la job, les pieds dans la neige et la tête dans le ciel bleu de l'hiver montréalais. Je regarde les gens, je regarde les rues, je sens les odeurs et je hume les quartiers. Comment fait-on, déjà, pour dire au revoir? Je devrais savoir, pourtant, après avoir dit au revoir à tant de pays, de villes, d'amis...

Hier, balade en voiture à 100km au Nord de la ville de Québec. Presque 9h de voiture dans la journée. 9h à parler. 9h à penser - à dormir, aussi, à défaut de mieux le faire la nuit! Dehors, la ville et puis les champs, les champs et puis les sapins, verts tirant sur le noir, le fleuve, gris, et puis la neige, blanche. Et la lumière. Transparente et étiencelante. Celle de l'hiver. Celle de l'azur. Razante. Tranchante et tendre. Comme le Québec. Comme Jean-Pierre Ferland ou Luc de la Rochelière qui passent sur la sono; comme le Fiori d'hier et la Caracol d'aujourd'hui.

Le long de la route, aussi, des souvenirs de voyage. Mes pieds contre le pare-brise comme cet été dans notre van, Montréal à Québec devient Toronto-Vancouver; aussi plate, aussi droite, aussi longue que la transcanadienne. Aussi intense. Aussi libre. Comme de plonger dans le ciel. Lâcher sa job. Partir sur la route. Suivre son instinct. Écrire un roman. Faire un film en deux mois. Parler à la radio. Travailler pour aider. Aider sans rien en retour. Vouloir plutôt que craindre. Aimer et étreindre sans toujours se restreindre. Changer. Toujours. Tout en restant soi même. Devenir. Soi. Grandir. Se connaître. Seul(e), à deux. Ces trois ans au Québec, c'était ça.

Et à côté de moi, toujours dans cette voiture, un ami. Ces trois ans, c'était ça aussi. Ceux que nos routes ont croisés, ceux qu'on s'est mis à aimer, ceux dont on ne peut plus se passer. Certains Français ou autres expatriés, déracinés, qui, comme nous, savent plus trop où on est. D'autres destabilisés, touchés par l'étranger, mélangé dans leur identité.

La liberté de l'Amérique et la sensibilité du Québec. Il y a trois ans, les marmottes partaient au Canada. Trois ans plus tard, elles reviennent du Québec - de Montréal! De ces gens de partout qui se cherchent et s'acceptent. De ces langues qui se mèlent et de ce français nouveau. D'expressions qu'on comprend, qu'on apprend, qu'on pogne finalement. Et qu'on ne peut plus lâcher, parce qu'elles sont, en soi, des tournures de pensée. "Plate" n'est pas "dommage" et "correc" n'est pas "ok"; "cave" n'est pas "con" et "poche" n'est pas "nul". Et en anglais, "frat" n'est pas "bud" - toute la subtilité est dans l'impossible traduction.

Et sur cette route qui me ramène, pour quelques jours encore, dans mon chez-nous de Montréal, je pense avec tristesse que le roman touche à sa fin. Que je vais, dans quelques jours, en tourner la dernière page. On ne choisit pas de finir un roman. On arrive à sa fin. L'histoire a été si bonne qu'on n'a pas vu les pages passer. La tristesse vous prend, de fermer la dernière page. Mais le bonheur vous saisit, aussi. De l'avoir lu. De savoir avec certitude qu'en vous vous en portez maintenant la trace. Sur la table, ce livre retourné, et en vous, un peu de sa beauté. Sans y mettre les mots, vous l'avez avalé.

En nous aussi, ceux qui l'ont partagé. Ceux avec qui, ensemble, on écrira la suite. Ici, ailleurs, demain ou dans dix ans.

Rendez-vous au prochain blog.

mardi 7 septembre 2010

Rentrée "éclair"

Est-ce la menace de l'ouragan (qu'on a senti jusqu'à Montréal samedi soir, avec un vent à décorner les boeufs!) ou la peur de la police américaine qui nous aura faits rentrer si vite? Mercredi soir dernier, sur la route côtière *95 entre New York et Boston, nous nous arrêtons dans une petite ville pour trouver un coin où dormir - Fairfield.

Depuis le début du voyage, nous savons qu'en théorie, dormir dans sa voiture est interdit aux États-Unis (au Canada aussi, peut-être?); pourquoi? Risque de se faire emboutir par une autre voiture pendant la nuit ou hantise du "vagabondage", on ne le saura jamais vraiment. Toujours est-il que jusqu'ici, la police avait trouvé mieux à faire que de venir nous voir dans notre van - ou alors, nous nous étions trop bien cachés. Mais c'était écrit, il fallait que ça arrive. D'abord, nous nous arrêtons dans un quartier résidentiel et parquons notre van derrière une autre voiture, à un endroit qui semble discret et où l'on est autorisés à parquer notre véhicule toute la nuit. Je passe à l'arrière, commence à ranger les sacs et à "faire le lit"; mais au moment où Nico s'apprête à me rejoindre, un individu (bourgeois) équipé d'une lampe torche (puissante) la braque sur lui sur le siège avant... "What are you doing?"; son ton est apeuré! Et d'ailleurs... Nico a à peine le temps de répondre, que le gars se carapate vers sa maison, avec un "fuck" pour tout "au revoir". Va t il chercher son pistolet? Appeler la police? On attend pas de le savoir. Cinq minutes plus tard, on est déjà loin. On en rigole, on se dit qu'on l'a échappé belle. Et on finit par s'endormir le long d'une grande route passante, à deux pas de quelques bars bruyants.

Jusqu'à ce qu'on se réveille. À 1h30 du matin.

Au début, on se croit encore dans un rêve. La lumière jaune ou blanche qui éclaire tout l'arrière du van et la voix sourde qu'on entend du dehors seraient elles celles d'un petit homme vert? On se regarde, apeurés - on essaye de comprendre. Et puis la voix reprend et cette fois on comprend: "Police Department, Go Out of the Van, Now". Le haut parleur déforme la voix et lui donne un son métalique de robot. "Qu'est ce qu'on fait?" on se dit. On se demande s'il nous a vraiment vus - peut-être qu'il tente à tout hasard, sans savoir si quelqu'un est dans le van. Est-ce qu'il nous demande vraiment de sortir?... À cette heure là et dans cet état d'endormissement, on en vient à douter de la réalité de la scène irréelle. La police a t elle vraiment du temps à perdre avec nous? Malheureusement il semble que oui, puisque le petit homme bleu (et non vert) répète son message. Il faut sortir. Nico le grand homme roux sort donc de notre grotte - les mains en avant: on a trop peur du flingue, ou du tazer, ou des deux. "What are you doing?" reprend la voix que je ne vois toujours pas, mois métalique cette fois, car monsieur est sorti de sa voiture (et braque probablement sa torche sur le visage de mon chéri, mais comme de toutes façons on a les phares en pleine face, ça ne fait pas de différence). "We are having a nap" lui répond Nico, dans un éclair de génie qui lui permet de ne pas mentir, sans toutefois lui dire toute la vérité. "You are having a nap in the middle of the road in the middle of the night?" S'excite l'homme bleu. "Heu, yes" lui dit Nico humblement. "Well", fais le flic d'un ton de surveillant d'école énervé par un élève trop malin, "go sleep somewhere else!". Et il fait mine de partir; sans nous demander nos papiers, ni notre permis, ni rien.

On ne se le fera pas dire deux fois. On prend de l'essence juste à côté pour se donner le temps de se réveiller, puis Nico conduit jusqu'à 2h15 du matin - le flic ne nous suit pas, il a finalement autre chose à faire. Puis, enfin, on trouve un parking de Wallmart, connu pour sa souplesse en la matière. On finit donc par réussir à s'y endormir, malgré la poussée d'adrénaline. Et non sans se promettre que ce sera notre dernière nuit aux États-Unis, au moins pour ce voyage-ci.

Ce qui sera fait, puisque nous ne sommes finalement restés que quelques heures à Boston pour arriver jeudi soir au Québec, où les douaniers nous ont gentillement laissé passer, malgré notre look de hippies, sans même fouiller notre bonne vieille Betty couverte d'objets fétiches : coquillages, pierres et décorations en tous genres. Pas les mêmes, de ce côté ci de la frontière.

Après un dodo à Magog, arrivée sans encombre à Montréal vendredi. On est un peu perdus au début, sans endroit où se "poser", mais Caro et Mathieu nous offrent vite l'hospitalité pour la nuit, puis Marie et Enrique nous accueillent à leur tour d'ici à ce que nous trouvions un appart. L'envie d'avoir un vrai chez nous après 2 mois et demi sur la route aura elle accéléré les choses? Quoiqu'il en soit, en 2 jours de recherche... On a trouvé! Dès le 15 septembre, nous aurons donc notre (tout) petit chez-nous, pas cher, en plein coeur du Plateau; exactement ce que nous cherchions.

mercredi 1 septembre 2010

Vidéo d'Antelope Canyon

"Grand-ioses" extrèmes

15 000 kilomètres, 58 jours au total, 6 provinces canadiennes, 11 États des États-Unis; le voyage tire à sa fin.





En Oregon et en Californie, c'était les plages infinies s'étendant le long de falaises vertigineuses. Les bains dans une eau dont le froid pique la peau, les vagues dont la puissance balaye des dizaines de lions de mer qui longent la côte, en compagnie d'immenses baleines, cachées dans les dangereuses profondeurs du Pacifique.



Puis, au détour d'une route sauvage, la montagneuse San Francisco et son Golden Gate ont surpris notre regard.





Les red woods qui touchent le ciel ont quant à eux accueilli nos rêves lors de nuits en camping. Les roches des Yosemites nous ont rappelé celles la forêt de Fontainebleau; seulement, dix fois plus larges et dix fois plus hautes, et où les menaçants pumas (dont nous avons vu une trace de patte dans la boue) règnent en maîtres.






À Los Angeles, nous avons vu certains des endroits les plus connus du monde - Hollywood, Beverly Hills, Santa Monica - au milieu du plus gigantesque embouteillage que j'ai connu, dans une ville cauchemardesque qui s'étend sur 120 km de large et compte une cinquantaine de quartiers différents.

Plus bas sur la côte, nous nous sommes baignés sur une plage où nagent des requins léopards (petits et inoffensifs), cachés dans les remous du sable. Quelques jours plus tard, un surfeur filmait sur cette même plage le passage d'un mortel et immense requin blanc tueur. Quelques kilomètres au Sud, dans une calme baie appelée le "petit bain" par les gens du coin, nous nous sommes baignés parmi des centaines de personnes entre les pélicans et les lions de mer qui plongeaient, sans peur de l'homme, à quelques mètres de là et avons touché du doigt des poissons de toutes les couleurs et de toutes les tailles dans une eau transparente et glaciale qui m'a valu une intense douleur à la main et une belle frayeur à cause du choc de température.

Puis ce fut le désert - la route 15 vers le Nord, puis la route 40, qui traverse les États-Unis d'Ouest en Est. Des centaines et des centaines de kilomètres sans un seul arbre, une route droite et sans fin au bout de laquelle la chaleur extrème (40 degrès) nous faisait voir de miroitants mirages, comme des couches d'eau sur le bitumes. L'inhospitalité de la nature environnante nous a sans doute permis de mieux comprendre pourquoi certains Américains aiment tant les gros pistolets, contre les serpents à sonnettes (que nous n'avons heureusement pas croisés) et les lézards de 20cm de long, dont un spécimen a failli passer sous nos roues; et pourquoi ils aiment les gros camions: pour passer sur les pistes non bitumées des réserves amérindiennes, Améridiens qui vivent dans une telle pauvreté que l'obésité et l'insalubrité des "mobile homes" fait leur quotidien au milieu du désert - la seule terre qu'on ait voulu leur donner. Contrairement à d'autres, leur mobile homes ne sont pas très mobiles. Celles qu'on voit sur la route, déplacés par des camions "oversize", sont celles des blancs, plus riches, qui ont encore les moyens de déménager. Ils sont peu nombreux face à la crise. La plupart doivent aujourd'hui rester chez eux, ou même abandonner leurs maisons, qui gisent par centaines le long de la route 40 et des routes intermédiaires.








La route 40, c'est aussi la route des plus grandes légendes, de la route 66 à "On the Road" jusqu'aux chercheurs d'or, sans oublier bien sûr le Grand Canyon, ses 450km de long, 30km de large, 2000 mètres de profondeur et ses milliers d'années d'âge. Le plateau du Kaibab qui le surplombe s'étend sur presque tout l'Arizona et l'Utah, voir encore plus au Nord et à l'Est, donnant enfin un peu de fraicheur au désert et permettant à quelques arbres de pousser. Quand on descend dans le grand Canyon à pieds, ce qu'on a fait sur le sentier Kaibab (attention au vertige!) on passe à travers des couches de pierre des différentes époques de la Terre, de différentes couleurs, du crème au rouge, et à la végétation changeante. La température change elle aussi. En 1h de balade vers le centre du Canyon on passe de 25 à 35 degrés; et encore, c'est au coucher du soleil, où il fait un peu plus frais!

















Quand on reprend la route en voiture, pendant 2 jours, on roule sans fin, tout droit, à plusieurs milliers de mètres d'altitude - étrange impression où la pression atmosphérique elle-même est différente. Ici, il y a des milliers et des milliers d'années, la plaque tectonique s'est soulevée sans se casser, créant un plateau et des canyons plutôt que des montagnes... Pourquoi ce phénomène? Cela reste un mystère. Au milieu de ce paysage étrange, d'autres Canyons - Glenn Canyon au Nord, mais surtout, près de l'artificiel lac Powel qui étend son eau claire de barrage au milieu de l'intense désert (quelle fraicheur dans l'eau!), les Canyons enterrés: Antelope Canyon et bien d'autres. Des pierres plissées par le vent et l'eau de la rivière du Colorado depuis 100 000 ans. À la sortie, les plus grands "trading post" du pays - des magasins tenus par des Améridiens, qui détiennent aussi tout le territoire aux alentours et font payer des sommes faramineuses pour entrer dans les Canyons. Au sol, de la roche, partout, et des cactus. En août, ils sont couvert de fruits, et ces "prickle pears" sont bien bons à manger quand on sait en enlever les énormes épines, dont mes pieds ont fait les frais lors d'un moment d'inattention.





















On remonte sur le plateau, on redescend, et c'est le retour au désert: Texas, Nouveau Mexique. Le long de la route 40, que nous devons suivre assez rapidement maintenant si nous voulons avoir une chance de profiter de la côte Est, et sur les véhicules, des logos partout, qui s'élèvent, non pas "entre" les arbres, mais à place des arbres. Waffle House, Mc Donald's, Burger King.... Jamais je n'en n'ai vu autant de ma vie. Je comprends maintenant tellement mieux l'intérêt de la loi ayant interdit l'affichage sur le bord des routes en France. Au milieu des marques, aussi, des publicités "inédites". Pour sauver ceux qui n'arrivent pas à trouver de sens à leur vie au milieu de ce capitalisme ambiant et des pierres du désert, Dieu, et l'armée. Les affiches pronent tour à tour la prière ou l'enrolement et les journaux du coin affirment que la sortie d'Irak des militaires américains n'est pas forcément une bonne chose. À l'université, au Texas, des stands entiers proposent de s'enroller pour avoir, pèle mèle, la sécurité sociale, la possibilité de voyager partout dans le monde, une bonne retraite, sans oublier le payement des frais d'universités (des dizaines de milliers de dollars, ici); l'armée serait elle, à l'insu de la population, le dernier bastion de ce "diable" de socialisme? En tous cas, ici, les personnes âgées n'ont d'autres endroits pour se retrouver et discuter que le fast food... pas très local...












Malgré tous ces extrèmes, la beauté des paysages nous laisse sans voix. En sortant de la climatisation à 20 degrés des chaînes de restaurant en tout genre, nous fondons au soleil des 35 ou 40 degrés et ne pouvons que nous laisser happer par l'horizon sans fin ou, parfois, des canyons se dessinent dans le lointain. Toute cette nature, hostile cependant, est laissée en paix par les habitants de la régions, dont le mode de vie n'y est pas adaptée. Des immenses territoires sont encore libres de vie humaines, pleines de bêtes menaçantes et de sublimes paysages. Alors qu'au Canada les panneaux nous indiquaient "attention, traversée d'orignaux" ou "traversée d'ours", ici, ce sont les chevaux en liberté qui risquent de traverser la route, ou encore les pumas ou les lynx.






Peu à peu, alors que nous suivons la route, ces paysages changent cependant. Enfin, en Arkansas, nous commençons à voir quelques arbres. La chaleur, elle, ne part pas. Épuisés et rompus de chaleur, nous décidons, au bout de 5 ou 6 jours de traversée, de tenter un "motel". Notre bonne vieille Betty a beau être confortable, sans climatisation, les journées et les nuits sont vraiment chaudes. Au motel, tout rappelle le clichée - le bâtiment, les employés, la chambre immense avec deux lits queens. Mais le clichée a du bon quand on est fatigués, et on rit. Et le lendemain matin, on en sourit encore plus quand on se réveille sous une pluie torentielle, telle que je n'en n'ai jamais vu sur d'autres continents. Tous les clients du motel sont bloqués. Même avec leurs pick-ups sur-elevés, il pleut trop fort et il y a trop d'eau sur la route pour conduire. On attend, donc, en regardant la TV - et je ré-apprends l'art du zapping dans un pays où les publicités passent toutes les 5mn environ pour une durée d'environ 4mn. Un programme qui dure 30mn en France dure 1h ici.

À la télé, un reportage sur Katrina et ses ravages. Sur une autre chaîne, la météo nous apprend qu'un ouragan se forme en ce moment même au large des côtes. Dans mon coeur, je prie pour pouvoir arriver à temps pour visiter les "outer banks", ces îles sublimes qui longent les côtes de Caroline du Nord en une bande de terre d'environ 30mètres par endroit, laissant juste la place à la route 12 de monter vers le Nord.

Finalement, nous y arriverons. Je me rappelle le plaisir, il y a quelques jours, après cette folie des grandeurs de la traversée, de retrouver les petites routes de Caroline du Nord. Et de retrouver l'histoire. La "petite" histoire, qui fait pour moi de cette route un pélérinage dans les années 2002-2003 où j'habitais à Greenville, en Caroline du Nord, pendant que mon frère Tom habitait à Durham, à deux heures à l'Ouest. Nous visitons les deux campus, retrouvons un sens de civilisation. Les gens semblent plus minces et en meilleure santé - illusion, sans doute, puisqu'ici comme ailleurs les pauvres n'ont pas facilement accès au soin. Puis c'est la "grande" histoire qui nous embarque. Celle des premiers colons, que nous raconte avec passion un "ranger" sur l'île de Roanoke, le lendemain de notre arrivée. Ici, dès 1585, des Européens ont essayé de survivre dans une nature difficile et malgré les pirates.

Alors que la veille nous jouions dans les vagues violentes et nous faisions traîner d'un coup vers le rivage à coups de grands et douloureuses claques dans le dos, le dimanche se passe en visites car il est interdit de se baigner tellement la mer est remuée avec les ouragans Daniella et Earl qui arrivent à l'Est. Nous profitons du moment pour parler avec des gens de l'île, dont un Améridiens-Afro-Américain natif de l'île qui nous explique comment ce territoire accueillait jadis les esclaves libérés.






















Le surlendemain, ici à New York, après avoir traversé ce qui est sans doute le plus long et le plus étonnant pont-tunnel du monde, à travers la baie de Chesapeake, nous apprenons par des amis et par les media que les îles de Caroline, où nous venons, au moment même où les touristes étaient partis et la température idéale, de passer un week-end incroyable de farnienete, nous apprenons que ces îles sont en pleine évacuation. Le passage que nous prévoyions sur les îles à l'Est de Boston est aussi compromis du fait de ces mêmes ouragans; c'est donc rapidement que nous rentrerons à Montréal, en passant par le centre ville de Boston très rapidement et en repartant jeudi soir afin de pouvoir éviter les embouteillages de vendredi qui mèleront les personnes évacuées et celles qui partent pour trois jours à l'occasion du week-end de la fête du travail.

Incroyable pays que les États-Unis, où rien ne se fait de façon mesurée, mais où tout est extrème, de la nature à la culture; incroyable pays où le changement de la vie humaine rime aussi avec la stabilité millénaire d'une nature multiple, dangereuse et étonnante. De l'appartement où Gaelle nous accueille à Brooklin, nous entendons le constant ronronnement de la ville de New York, symbole de la vie qui ne s'arrête jamais sur ce continent. Huit an après, j'ai retrouvé hier soir mes amis de Caroline du Nord dans un petit restaurant japonais de l'East Village - la terre nous paraît un peu plus petite après ce voyage, et l'étendue des possibles encore plus grand.